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RECEVEUSES D’OVULES DONNÉS PEUVENT-ELLES “TRANSMETTRE LEUR ADN” À LEURS ENFANTS ?

Par le Dr Jess Buxton

Généticien, University College London

Paru dans BioNews 826

L’idée que les conditions environnementales dans l’utérus peuvent avoir des effets durables sur le développement et la santé future est bien établie. Nous savons depuis un certain temps, par exemple, que l’insuffisance pondérale à la naissance est liée à un risque accru de diabète de type 2 et de maladies cardiaques à l’âge adulte. La recherche de facteurs biologiques qui pourraient justifier cette observation et d’autres semblables est un domaine de recherche très actif, connu sous le nom de DOHaD (Development origins of health and disease). L’épigénétique, c’est-à-dire l’étude des changements durables dans l’activité des gènes, est un domaine de recherche prometteur. Par le biais de modifications épigénétiques, les niveaux d’activité de certains gènes peuvent être augmentés – ou réduits – en réponse à des signaux externes présents dans notre environnement. Cela inclut notre premier environnement, l’utérus.

À quel stade du développement ces changements peuvent-ils avoir lieu ? Une étude récente suggère que l’activité des gènes embryonnaires peut être modifiée par des facteurs présents dans l’utérus avant même l’implantation. Cette découverte a donné lieu à un article de journal quelque peu trompeur intitulé “Les mères stériles “transmettent de l’ADN””, qui affirmait que la recherche signifiait que les receveuses d’ovules de donneurs transmettaient leur propre ADN à leur enfant. Or, ce n’est pas le cas. Mais les scientifiques ont découvert une façon dont les femmes qui conçoivent en utilisant des ovules de donneurs peuvent influencer l’activité des gènes de leur enfant, dès les premiers stades de la grossesse.

L’équipe de recherche, basée en Espagne et aux États-Unis, a étudié des molécules appelées microARN (1). Comme leur nom l’indique, les microARN sont de courtes sections d’ARN, un parent chimique de l’ADN. Leur rôle est d’affiner les niveaux d’activité des gènes au cours du développement et tout au long de la vie. En tant que tels, ils constituent un élément clé de la structure épigénétique. Les micro-ARN, comme les protéines, sont eux-mêmes les produits de gènes – il existe plus de 2500 gènes de micro-ARN humains connus. Chaque microARN est censé avoir des centaines ou des milliers de gènes cibles différents, ce qui leur permet d’influencer des réseaux complexes d’activité génétique dans des processus allant de la croissance et du développement à l’immunité.

Les chercheurs ont d’abord identifié un ensemble de micro-ARN présents dans le liquide de nutrition produit par la paroi de l’utérus, en particulier pendant la “fenêtre d’implantation” cruciale – le moment où l’utérus est le plus réceptif à un embryon. Ils se sont ensuite concentrés sur un microARN particulier, appelé hsa-miR-30d, qu’ils ont étudié plus en détail chez la souris. Ils ont découvert qu’une fois libéré par la muqueuse utérine, il est absorbé par l’embryon avant l’implantation. L’équipe a ensuite montré que l’activité de plusieurs gènes était “augmentée” chez les embryons de souris qui avaient absorbé le micro-ARN, par rapport à ceux qui ne l’avaient pas fait.

Si cela est confirmé par d’autres équipes, et si un effet similaire du micro-ARN est démontré chez l’homme, il s’agirait alors d’un nouveau mécanisme épigénétique par lequel le matériel génétique de la mère semble influencer l’activité de certains gènes de l’embryon. Si chacun de nos quelque 20 000 gènes codant pour les protéines est considéré comme ayant un interrupteur de type “variateur”, plutôt qu’un simple interrupteur marche/arrêt, l’étude montre que certains interrupteurs peuvent être augmentés ou diminués juste avant l’implantation, en réponse aux niveaux de hsa-miR-30d. Toutefois, on ignore ce que cela pourrait signifier en termes d’effet sur le développement ultérieur de l’embryon ou sur la santé future de l’enfant qui en résultera. Comme c’est souvent le cas, des recherches supplémentaires sont nécessaires.

La réponse à la question “Les donneuses d’ovules peuvent-elles “transmettre leur ADN” à leurs enfants” est donc non. Mais les femmes qui conçoivent en utilisant des ovules de donneurs peuvent-elles affecter les gènes de leurs enfants ? Absolument, tout comme celles qui conçoivent naturellement. Il existe déjà de nombreuses preuves des effets bénéfiques d’un mode de vie sain pendant la grossesse sur le développement du fœtus. Notre expérience et notre environnement continuent à influencer l’activité des gènes tout au long de notre vie. Les nouvelles recherches montrent que l’influence de l’environnement dans l’utérus peut commencer encore plus tôt qu’on ne le pensait.

SOURCES ET RÉFÉRENCES

http://dev.biologists.org/content/142/18/3210
Source : https://www.bionews.org.uk/page_95263



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